L’Atelier paysan est une coopérative d’intérêt collectif, à but non lucratif, fondée sur un projet politique en perpétuelle construction, appartenant à ses sociétaires. Organisme de développement agricole et rural, nous œuvrons à la généralisation d’une agroécologie paysanne, pour un changement radical de modèle agricole et alimentaire.
Pour cela, nous accompagnons les agriculteurs et agricultrices dans une conception ascendante, inédite et subversive, de machines, d’outils et de bâtiments adaptés. Ce faisant nous visons à retrouver collectivement une souveraineté technique, une autonomie par l’entraide et la réappropriation des savoirs et des savoir-faire, à rebours des technologies qui dépossèdent.
Nous sommes persuadés que les choix faits dans le mode de production (relation à l’outil et au capital notamment) participent à définir la qualité des rapports sociaux dans lesquels nous produisons et mangeons. Ils expliquent aussi en partie les inégalités croissantes dans l’accès à l’alimentation et l’installation dans les métiers de la chaine alimentaire et le ressentiment les accompagnant. Il nous semble important de se demander quelle machine nous voulons, pour quelle alimentation. Car l’outil qu’on utilise, notre capacité à le réparer ou à l’adapter, détermine le modèle agricole qui sera mis en place. Des machines puissantes et coûteuses orientant vers des exploitations plus grandes, pas toujours compatibles avec l’agroécologie paysanne. Nous affirmons notre volonté de nous battre contre : « Les technologies et les pratiques qui minent nos capacités de production alimentaire » (Déclaration du 27 février 2007 au village de Nyéléni, Mali). Une alimentation choisie, accessible à toutes et à tous, et non morbide relève des communs, et par conséquent, l'ensemble des moyens d'y parvenir doivent être traités comme tels, a fortiori la question des technologies paysannes. Pour produire une alimentation radicalement renouvelée, y compris dans sa question démocratique, la taille et la nature des technologies utilisées sera centrale et devra donc être collectivement interrogée.
Pas de souveraineté alimentaire sans souveraineté technologique !
Il est impossible aujourd’hui de faire coïncider la rémunération du travail paysan et l’accès à l’alimentation dans toute son acception: le Droit à l’alimentation. La formation du prix de l’alimentation est le reflet de cet état de fait. Aides et subventions de toutes sortes (PAC pour les éleveurs et les céréaliers, DJA, certaines aides locales) voire RSA pour certains producteurs, aide-alimentaire, crédits à la consommation, minima sociaux (pour les consommateurs), toutes ces mesures que l’on peut qualifier de « politique pour les pauvres» ont toujours un temps de retard sur la situation qu’elles affrontent. Nous pensons qu’elles participent même à la croissance de la pauvreté, et à la reproduction du complexe agro-industriel. Très peu des tentatives d’amélioration de la «qualité» de la nourriture (circuits courts, signes de qualité, «bio» et autres) ont réussi à établir un équilibre satisfaisant, cependant nous avons observé qu’en quelques endroits cette difficulté était contournée, dépassée par des stratégies, voire de simples «bricolages» qui dans un contexte précis, parfois momentanément, sont d’une efficacité insoupçonnée. Partant de ces observations et de leur évaluation nous affirmons la nécessité de « réencastrer » l’économie agricole c’est à dire de socialiser notre alimentation. Cela passe de notre point de vue par un corolaire indispensable : l’arrêt total de la compétition agricole et alimentaire, et la resocialisation de la machine agricole, l’approche des technologies paysannes comme puissant levier de transformation sociale.
Des collectifs étudient et proposent déjà des modalités possibles de cette socialisation : service public, gratuité, changement de statut du producteur. Parmi ces modalités, l’une d’entre elles, la création dans le régime général de la Sécurité Sociale d’une branche dédiée à l’alimentation, nous semble porteuse de suffisamment de pragmatisme et de radicalité pour nous écarter du sentiment d’impuissance actuellement envahissant et justifier un engagement de notre part auprès de ses partisans. Voilà ce que nous proposons d’apporter au collectif SSA.