Désertons pour mieux lutter


Changement climatique, effondrement de la biodiversité, pollution généralisée de la terre et de l’air, crise de l’eau, maladies… L’impact des sociétés humaines occidentales sur la planète est désastreux et nous amène de plus en plus à faire face à des situations qu’on ne sera plus en mesure de gérer. Le rapport du GIEC est sans appel, la justice climatique est une condition nécessaire pour relever les défis qui nous attendent et que nous commençons d’ores et déjà à toucher du doigt : pandémie, sécheresse, incendies géants, migration massive de population. Il est urgent d’agir, vite et efficacement.

Les jeunes générations, qui en seront les principales victimes, en ont plus que conscience. En témoigne les nombreux appels à la bifurcation de ces dernières années, les prises de parole de Greta Thunberg, les collectifs « Ingénieurs engagés » né à l’INSA Lyon, « les infiltrés », la tribune publiée par les étudiants de l’ENS dans le Monde, ou encore le travail mené depuis une vingtaine d’année par l’association Ingénieurs Sans Frontières pour réformer les formations d’ingénieurs au profit d’une démocratisation de la technique. Et bien sûr, dernier événement en date, l’appel courageux de huit jeunes diplômés d’AgroParisTech à la désertion des métiers de l’Ingénieur agronome lors de leur remise de diplôme. Plus globalement, ces étudiants questionnent le rôle sociétal de l’Ingénieur e qui ne trouve plus sens à leurs yeux, véritable défenseur des intérêts court-termistes du capitalisme et reproducteur des injustices sociales inhérentes à ce système. Au sein des systèmes alimentaires, les métiers de l’Ingénieur assurent bien souvent la continuité du système agro-industriel destructeur de l’environnement et du climat. Ces jeunes agronomes refusent ce chemin tout tracé et n’hésitent plus à le dire haut et fort : « nous refusons de servir ce système, et nous avons décidé de chercher d’autres voies, de construire nos propres chemins ».

Cet appel résonne fortement avec les aspirations du Collectif pour une Sécurité sociale de l’alimentation. Les systèmes alimentaires, tel qu’ils fonctionnent aujourd’hui, participent de manière non négligeable aux désordres écologiques et sociaux. Nous revendiquons un changement radical de modèle économique par l’instauration d’une démocratie dans l’alimentation qui intègre le vivant non comme une ressource à disposition des plus puissants des humains mais bien comme une richesse à préserver et respecter. Le projet de SSA propose, par la socialisation d’une partie de notre alimentation, de remettre les questions de production, transformation, distribution alimentaire au cœur du débat démocratique.

Nous soutenons les appels de ces jeunes ingénieurs. Déserter et bifurquer est une nécessité, la fuite fait partie du combat. Mais ce ne sera pas suffisant pour arracher à l’inertie du capitalisme notre avenir et celui de notre planète. Il nous faut lutter intelligemment et de manière organisée. Avec nos corps et nos têtes. Reprenons la terre, cultivons dans le respect du vivant, prenons soin les uns des autres et refusons d’aller à l’encontre de nos valeurs. Surtout, ne pas se résigner mais s’organiser collectivement pour faire face. Rejoignons les mouvements de lutte, en tant que citoyens et professionnels, pour faire bifurquer, non seulement nos destins mais aussi celui de l’humain et du vivant.